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Terre natale

S’enraciner dans la terre comme un arbre!
Ne pas être un nuage emporté par un souffle de vent.
Au-dessus des champs reconnus tous les jours,
voir un ciel clément et différent.
Voir comment arrive, quotidien, le crépuscule,
renouvelant, chaque fois, mes sentiments.
Sur notre terre aimée, de son cœur,
naissent le pin, et le vent, et l’oiseau.
Le blanc souvenir de l’enfance y flotte,
et ce soleil doit faire du bien à nos vieux os.
]e veux y entendre cette langue qui monte
depuis longtemps aux lèvres des gens.
De mon amour, fidèle compagnie, là
je veux rêver entre la mer et le vent.

Traduit par Jep Gouzy

Chanson de la soirée

Trois grands pins au bord du chemin
dressent leurs sombres fronts.
Le vent, qui ne veut pas dormir,
emplit leur cœur de chansons.
Des champs et encore des champs. Sur eux
se déverse la cloche vespérale…
Il nous faut désirer l’impossible,
et non que meure le désir.

L’amour entier s’est réveillé
sous la voûte des cieux.
Dieu ne se montre-t-il pas à notre nostalgie
dans son monde sans ténèbres ?
On entend comme le bruit de pas
d’une immortelle beauté.
Il nous faut désirer l’impossible,
et non que meure le désir.

Traduit par Jep Gouzy

Amour

Qui, te dessiner avec une profusion de
vers ; que les tentatives
répétées, malhabiles,
figurent le relief
de la beauté ; te modeler
de poésie, plus
précise chaque fois,
et comme l’air dans la peau,
qu’arrive alors au doux contact
de ta personne, ma pensée.
Que le vers prenne ta forme,
comme mon amour,
et que tu y restes gravée,
maintenant éternelle et différente.
Non pure statue, froide
comme un marbre immobile,
mais chaude comme la vie,
offerte à la joie, au baiser,
comme l’amour te dessine,
telle que je te vois, tout comme tu n’es pas,
telle que tu es, oui, ultime image
de mon rêve, qui monte.

Traduit par Jep Gouzy

Eivissa sous mes yeux

Couronnée de socles de roches jaunâtres
je te regarde fortifiée sur la mer
—mer qui guérit, par sa jeunesse, toute blessure,
et qui sourit encouragée par tous les vents—

d’une butte d’oliviers glauques,
à l’écorce punique et caverneuse
de tombes, oh ville éctifiée
durant vingt-sept siècles de fondations, qui élèves

tes maisons blanches, jardins, escaliers, tours,
au-dessus d’une armature maintes fois renouvelée,
et vers la tour de guet de ton ciel tu te dresses

pour surveiller un fragment de cette planète :
tes sommets, ta mer. Dressée et calme,
alors que s’étendent des tempêtes, des vagues et des nuages.

Traduit par Jep Gouzy

L’île, oui, ce que tu regardes…

L’île, oui, ce que tu regardes,
ferme et claire la terre
et la mer l’entourant —l’île
est plus que la terre seule ;
il lui faut la mer se livrant
vague après vague sur 1es rivages,
elle lui appartient autant que les pins ou les roches.
L’île et le printemps,
qui maintenant dans ton regard
glissent vers la côte
où la brise saisit
tes cheveux et ta jupe ;
tes champs et tes vagues
—également les miens— que j’aime
encore plus quand tu ne leur fais pas d’ombre,
le monde qui en toi s’oublie
et, parce qu’il est très grand, se cache
derrière ton front, oh ! quelle
fragance empruntée ailleurs,
quelle tendre beauté,
quel cœur nouveau peut-il avoir
quand dans tes yeux il chemine ?
Tu le bois, il se réfugie
en toi. Le paysage
aujourd’hui, c’est toi. C’est ton
âme qui le berce
exaltée par une joie
de printemps. Feuilles,
vent, soleil, mer, pierre, je les cherche
dans ton regard.

Traduit par Jep Gouzy

Île

Cette terre dressée dans le svelte midi,
reliefs, lumière dans la lumière, sereinement !…
Les collines sur leur sommet
ont un petit peu de vent entre les pins
et tout le bleu du ciel. Et un autre jour,
l’air, au fond du torrent, était un puits de silence
et de transparence, et, durs et ensoleillés
les sentiers gravissaient les degrés des champs en terrasses,
les bois et l’île s’étendaient dans le repos.
Un simple jet d’eau, dans le lointain parmi les roches
murmurait, et quand arrivait le chant du coq
il était fatigué et pâle dans le jour
vaste et brûlant. Mais la terre
suspendait déjà sa tramontane
des rochers à la mer, et l’on sentait déjà
l’effort de la pierre émue, en colère,
voulant s’affirmer et dominer, dressée,
tout le cercle marin des horizons,
vaste étendue, lentes vagues,
écume aux lèvres, ceinturant le bloc
de rochers qui s’enracinent dans un monde bleu, inconnu.
Une voile était un pétale tombé sur le cristal
de l’eau, et la mouette montait, là-haut,
sur le dos, ailes ouvertes,
cercles lents, suspendus à la mer.

L’île au cœur dense et étroit,
porte la chanson bleue des horizons.
Le regard est lointain, depuis la roche.
La mer s’endort sous des chemins de calme,
vaste labyrinthe pâle d’un mythe déjà oublié.
Tout près, parmi des herbes claires, la pierre, le sable,
le poisson trouve un reflet, naufrage au soleil.
Les plages s’abandonnent, brillantes, alanguies,
au doux assaut de la vague et de la brise.
Il y a des enfants, ou des souvenirs d’enfants, sur le
frais rivage de l’eau, brisants parmi la joie. Mais au crépuscule
il y avait encore du soleil sur la mer, abandon et ombre,
tragique immensité. La mer n’était que vie
jusqu’aux gouffres noirs du silence, pendant la nuit ;
elle respirait, envoyait l’eau salée, amère
et humide depuis la froideur de son golfe. La mémoire
de l’enfance écoute la voix de la mer. Déjà dans les rochers
dorment les oiseaux. Seul veille le vent, la mer
au-dessus de laquelle il s’élève, la liberté longuement
sillonnée, la plainte qui reste entre les pierres…
Alors que l’amour remplissait mon esprit vigilant,
il me sembla voir, une après-midi d’été, immense ennui,
au-dessus de la coulée de la lune tombée là-bas dans les vagues,
un chemin de beauté et de mystère
pour aller vers la plus haute folie où se confondent
désespoir et joie en une infinie clameur.

Des vaisseaux d’autres étés, de jours sans mémoire,
de villes effondrées, sillonnaient une mer
pas plus jeune qu’aujourd’hui. Ils voyaient des rives sauvages,
des ports tentateurs. Des nochers, debout au timon et des esclaves
las rivés aux rames regardaient les tendres champs en terrasses,
les pinèdes parmi les rochers, surgies de l’aurore,
et ils entendaient la douceur de voix humaines, des cris
d’animaux, douceur du repos, de chemins silencieux,
tout au long de l’île. Oh tendre étendue de vagues
actives, de combat ! Regardez comme elles restent,
fraîches encore, dans un printemps de la terre.
Maintenant elles sont vertes, champs de blé, feuillages d’arbres,
avec une tendre rumeur, seules avec la lune et la brise.
Elles cachent leur squelette poussiéreux, leur écorce dure
dans une jeunesse à la vertu légère.
Elles sont également le printemps, la fleur, l’oiseau, la plainte
amoureuse, la plainte qui blesse l’heureuse
étrangeté d’un monde émerveillé,
la claire, imperturbable beauté étrangère.
Sentiment solitaire, étendu dans un désert
de sel et de transparences !
Déjà la ville dans l’ombre, dans le repos vivant, apparaissait
entourée de distances, de paix, d’enchantement,
murs et cloches suspendus sur la mer,
avec ses rues de pierre et ses cris d’enfants.
Était alors possible une pensée d’amour,
profond miroir avec les fleurs tombées de l’après-midi,
ou le miracle lui-même devant les yeux
du passage d’un corps où s’oubliait le monde,
surprise espérée qu’offraient les jours,
comme un fruit d’or au fond d’un feuillage sombre
qui le cache ou l’offre, tentation du bras,
avec le léger mouvement où l’air se glisse.

Le vent se calme un moment, il prend un nouveau souffle,
un nouvel élan, il arrive, et sa longue présence
secoue et courbe les arbres qui s’égouttent.
Il pleut, dans la nuit. Pluie et vent, ensemble
sont un concert au-dessus de la terre obscure
qui m’apporte un souvenir perdu de l’enfance :
quand, le soir, de la maison, je regardais derrière
les vitres tomber la pluie sonore
dans la rue obscure, seulement éclairée
par une lumière voilée, à un coin de rue,
rougeâtre. Un seul homme
passait, pressé ; son pas lourd
résonnait sur les pierres qui, sous la pluie
étaient mouillées, brillantes … Chez nous
régnait un doux bien-être. Fatigué de la journée,
je reposais dans l’amour, près de ma mère.

Oh, ces premières fleurs d’une branche poussant
contre un vent de beauté, présage
de l’enfant silencieux auquel prenait les yeux
l’avide adolescent comme une soudaine source.
Une nouvelle inquiétude le faisait frémir.
Sur la terre, il voyait
les autres hommes, ses frères,
la main sur le vieil araire, tenant le marteau,
ou au repos dans une lumière de fête
plus profonde grâce à l’armée solidaire des anges.
Il voyait dans le lointain d’une vaste mer,
aux pieds de cette architecture mouvante,
et rose de quelques voiles,
les marins qui prêtent au vent leur cœur serein.
Il voyait des jeunes filles comme des brises légères,
comme des tintements de cloches qu’agite le printemps
où choisir un amour qui venait par les bois,
qui venait sonore comme une dense pluie.
Il voyait son propre regard perdu dans les lointains,
comme un lointain, il voyait l’amour présent,
il aimait parce qu’il avait une vie claire
sur la paume de ses mains,
parce que l’amour veut encore plus d’amour, et il
se retourna pour écouter une chanson faite
de mots qu’il soupçonnait, maintenant incroyablement
devenus concrets, et elle était belle, et il s’aperçut
qu’ils avaient un sens pour lui seulement, ces sons,
que lui seul s’arrêtait pour les écouter,
et qu’ils étaient une brise d’oiseaux du matin,
porté par deux d’entre eux.

Il ne pouvait contenir en lui le dédale des balcons
de chaux et de ciel et de murailles de pierre,
une angoisse qui voulait des espaces plus libres,
un champ tombé au bout de la rue haute,
une courbe de champs en terrasses, douce pente,
de l’autre côté de la rigide rive,
où lentement les clairs bateaux appuyaient leurs flancs :
l’ample terre remuée et délicate
qui de verts assiégeait, alliée de la vague,
la ville confiante qui ouvrait ses portails.
Un sang ancien et solitaire
peuplait d’une vie différente
cette terre, horizon fatigué de mes yeux,
qui par chemins et montagnes s’éloignait.
Abondante, répartie sur les plaines jusqu’aux montagnes,
limites boisées étendues cachée,
un sang ancien et solitaire,
se refermait sur elle en un effort commandé
par des lunes périodiques et belles,
par le cours du soleil qui revient au rythme
des charrues, des semences, des pluies, des longues nuits,
revenant lentement des jours grands-ouverts
sur une maturité jaune et chaude
de moissons assiégées par les mouvantes faux.
Oh monde inconnu de si belle harmonie,
avec les reflets d’un outil limé par la terre
ou ceux d’une croix d’or sur le sein d’une femme,
dans un éclat de soleil, dans un bouillonnement de fête,
d’où soudain éclatait la magie
d’un mot éveillé avec un goût antique et bien de chez nous !
Des chansons qui s’envolaient d’une absence d’après-midis,
comme un miracle arrêté par une lumière qui ignore le Temps,
portaient vers mon plus tendre printemps
des fleurs au parfum hallucinant,
et d’elles il recevait d’obscurs messages
de voix, qui m’attendaient de bien au-delà des ans
apparues dans l’âme de la terre profonde.
Tout un peuple inquiet dans la coutume,
de comportements anciens, avec des fêtes anciennes et des mots de l’aurore,
m’attendait à l’issue de mon rêve d’enfant,
et les vifs éclairs que la chanson m’ouvrait,
étaient de dures images d’ombres et de lumière
en un rêve agité.
]’aimais les images et les mots purs,
dans le rêve et sur le sentier où s’allonge la vie.
Ah coutume de la douceur des voix entre les lèvres,
répondant aux voix soeurs qui arrivent à moi,
au-dessus de ce silence, de cette poussière
des langages profonds,
avec le silence, unanime assentiment des alentours.
Ah !, le mot dense, choisi dans un rêve, une attente,
qui cherche les mots précis qui l’accompagnent dans le vers,
et s’entendent, tous ensemble, et font surgir un sens clair,
et font comme une musique avec le cœur et la terre !
Oui, moi aussi je chantais, plein d’amour ou bien d’ombres.

Je sais bien, Seigneur, qu’il y a la douleur, et la peur, et l’angoisse, et la mort.
Mais j’aimais la vie et même, souvent,
ce qu’elle avait comme péché et bassesse.
]’aimais la vie, et de la vie,
ce frisson du miracle dans les choses,
tout comme un beau rêve qui fuit quand arrive le jour,
tendrement regretté et qui laisse un doux sillage,
compagnon de quelques souvenirs auxquels, à la fin,
on doit renoncer. Je le sais bien, vous tous, mes amis.
Mais moi je poursuivais une ombre sur la terre.
Oui, cela est la vie réelle. Quelquefois
une voix, un désir, un songe inaccessible,
poésie, amour, rien, une vague recherche
du grand bien avec lequel nous tentaient, impossibles, les êtres ;
et ensemble tout un trésor indivisible,
fuyant, bien à moi, et que j’aurais voulu
donner à tout le monde … Et c’est ce soupçon,
recherché inutilement dans le monde, sur le monde,
né, et comme nourri par le monde, que j’ai de la peine
à abandonner. Tout cet ardent désir
et tout l’amour que j’ai appris
peut-il disparaître avec le dernier battement d’un cœur de boue ?
Était-ce Toi que je cherchais, Dieu final,
dans mon passage le plus pur parmi les choses ?

Traduit par Jep Gouzy

Lune d’été

Elles deviennent douces les arêtes de la terre.
Leur forme transparente est d’ombre et lumière de lune.
L’air nocturne a des splendeurs diffuses :
comme un arbre d’étoiles, il accueille dans le silence
la tendre inquiétude qui ne veut s’endormir.
L’écume végétale s’épaissit, ce doux feuillage immobile
que l’île déverse, obscure, jusqu’aux gouffres aqueux.
Et les gouttes de chaux des maisons qui fuient,
lune brisée, imprécise,
qui dans un repos d’oiseaux, vers le ciel s’illumine.
Un instant la brise écoute le silence du monde,
et, ensuite, s’enflant, fait un nouveau passage dans les feuilles.
Un grand vaisseau navigue dans des eaux de mystère,
toutes voiles dehors vers un argent palpitant.
S’ouvrent sans bruit les ténèbres devant la proue qui s’envole.
Là-haut les étoiles guident le monde. Les hommes dorment
ou s’embrasent d’amour.
Léger voyage d’ombres dans la nuit éveillée!
Mais la lune élève une svelte illusion.
Une vaste senteur couronne notre oubli.
Mer vigilante, roches escarpées, vagues répétées,
île, champs de silence et solitude,
chemins que la nuit brise, maisonnettes assoupies,
le village qui grimpe, l’église et ses arcades,
et le vent dans les montagnes,
et la lune aiguisée dans le cristal nocturne !
Sont-ils en pierre ces murs que la lune enveloppe d’un drap ?
Cela est-il dans l’air ou sur la terre?
Le crissement de la branche, la brise qui se traîne
ont-ils un écho dans les étoiles ?
Et mon amour humain, est-ce que je le sens dans l’univers ?
S’éveiller, s’éveiller aux inquiétudes de l’été,
aux courants nocturnes qui flattent notre soif,
à l’immense surprise, qui dans les airs se cache,
aux ailes inconnues, aux frissons et aux voix ;
s’éveiller ou se disperser dans l’étonnement de la lune,
parmi les plis constellés d’amples tuniques.

Traduit par Jep Gouzy

Évocation de Balansat

Maintenant éloigné de tes rivages, de tes sentiers,
alors que j’espère retrouver le lourd silence
avec fontaines, hennissements, voix profondes de paysans,
vent dans les arbres et printemps vifs,

oh Balansat de rêve, je désirerais tout près
en suivant le sillon du vers de nouvelles grâces,
plaisir incertain et tempêtes de rien,
lumière d’absence dans les heures fugitives,

profond repos sur des pages et des pas,
échos anciens qui arrivent, fatigues au cœur,
ma juste chanson qui suit la colline et le jardin,

la nuit qui se ferme comme après le premier jour,
la pluie, les clairs oiseaux de l’allégresse,
l’amour, la solitude de l’accablement.

Traduit par Jep Gouzy

Chanson pensive

De mes douleurs, quelques-unes sont à moi
et les autres à l’humanité.
Grâce à quelques rêves que j’ai faits,
je sais bien que j’ai aimé.
Comme un oiseau tombé du ciel
dans les vagues, à moitié noyé…
Dans l’air, encore en pleine lumière
une aile s’ouvre sur la mer.
Quelqu’un saura-t-il que j’ai vécu
grâce au vent enfermé dans ma chanson ?
À cause des terreurs, qui sont nées en moi,
pourra-t-on dire que j’étais lâche
et que par une joie vague et cachée
j’ai consenti à être envahi ?
Je ne sais si je suis moi-même
ou ces personnes, ou ces vieux champs.
Dans cette langue que j’utilise
je ne sais ce que j’y dis qui est déjà enfui.
Une chose est ce que je crois
et une autre ce qui doit m’arriver.
Quand pour de bon viendra la mort
elle sera ma seule vérité.

Traduit par Jep Gouzy

Le combat

Ces hommes ont lutté,
je veux dire les aïeux des aïeux,
et aussi sur ces champs en terrasses leur sang a été versé.
La main rugueuse empoignait les outils et les armes.
Ils défendaient la vie, les récoltes, leurs rares biens.
Paysans et soldats, une seule et même tâche :
enfoncer le soc dans la terre et le couteau dans l’ennemi.
Ils portaient ces siècles-là dans leurs entrailles
et les incursions armées, et les sécheresses hostiles.
Par la mer arrivaient la tempête
et le vaisseau ennemi tel un nuage en colère.

Ils avaient en eux et la rage et la peur,
c’étaient des hommes courageux, ils luttaient, se cachaient.
Ils durent rendre compatibles le pénible labeur,
les heures de la fête, des rires et de l’amour.
De tous côtés la mort les attaquait, elle élaguait
les feuillages épais. C’était pareil
mourir de la peste, de faim, que de mourir noyés ou au combat.
Peut-être la guerre avait-elle un autre prestige.

Et ces hommes allaient au combat. Ils savaient
au moins qu’ils défendaient une parcelle de terre, une maison,
là, tout près,
le pain de tout le monde, dans la resserre ou sur l’aire,
et cela les décidait à mourir.
Ils acceptaient, sans le savoir, un martyre séculaire :
ils ne croyaient même pas que cela puisse se terminer.

Et en plus les hommes faisaient connaissance en luttant,
et il est beau de se glorifier d’une force intrépide
et les armes peuvent prendre un étrange éclat dans les mains.

Traduit par Jep Gouzy